Qu'est-ce que l'Espace EVA?

L’espace EVA vise à partager nos résultats, expériences terrains et réflexions avec les étudiants, les chercheurs et le grand public. Nous espérons que ces informations favoriseront une meilleure compréhension de l'hésitation vaccinale, à travers une perspective anthropologique. En explorant les différentes dimensions associées à la santé individuelle et globale, notre intention est d'encourager des initiatives qui prennent en compte la pluralité des expériences et des points de vue.

 


 

Hésitation vaccinale et pratiques de recommandation des professionnel(le)s de la santé

Hésitation vaccinale et pratiques de recommandation des professionnel(le)s de la santé  

Les professionnels de la santé sont une source de confiance pour la majorité de la population, et leur recommandation est souvent l'un des principaux facteurs conduisant les personnes hésitantes à se faire vacciner. Cependant, certains professionnels de la santé eux-mêmes peuvent être hésitants vis-à-vis des vaccins, ce qui les rend moins enclins à aborder les préoccupations de leurs patient(e)s et à recommander la vaccination.  

Déterminants de l’hésitation vaccinale chez les professionnel(le)s de la santé 

Plusieurs facteurs influencent l’hésitation vaccinale chez les professionnel(le)s de la santé (Karlsson, 2019; Luo, 2021; Verger, 2022), tels qu’un manque de connaissances, une faible confiance envers les autorités de santé ainsi que des difficultés à aborder les préoccupations des patient(e)s. À l’inverse, une bonne compréhension des vaccins et des compétences de communication solides sont associées à une attitude plus positive et à une propension accrue à recommander la vaccination. 

Défis amplifiés par la pandémie et blessures morales 

La pandémie de la COVID-19 a mis en lumière la vulnérabilité des professionnel(le)s de la santé face à une pression sans précédent incluant une surcharge de travail et l’exposition à la désinformation. Dans ce contexte, plusieurs ont rapporté avoir subi des blessures morales, c’est-à-dire une détresse psychologique liée au sentiment d’impuissance, à des dilemmes éthiques ou au vécu d’un manque de reconnaissance. Ces blessures peuvent affaiblir la motivation et la capacité des professionnel(le)s de la santé à recommander la vaccination. La chaire est d’ailleurs partenaire d’une étude en cours afin de mieux comprendre ces enjeux.  

Formation des professionnel(le)s de la santé : dépasser le modèle du déficit des connaissances 

Les recherches montrent que les interventions basées uniquement sur la transmission de connaissances peuvent être inefficaces, voire contre-productives. Les approches qui privilégient les échanges interactifs, l’apprentissage par la pratique et des méthodes relationnelles comme l’entretien motivationnel s’avèrent plus efficaces (White 2025). Elles permettent de répondre aux préoccupations des patient(e)s dans une logique d’écoute et d’empathie, plutôt que dans une dynamique strictement prescriptive. 

Mesurer et soutenir l’engagement envers la vaccination 

Pour mieux cerner l’hésitation vaccinale chez les professionnel(le)s de santé, des outils standardisés sont nécessaires. Par exemple, le questionnaire Pro-VC-Be, récemment validé dans plusieurs pays dont le Canada, constitue un exemple pertinent (Gagneur 2025). Il permet de documenter les attitudes et comportements liés à la vaccination et d’identifier les leviers à renforcer. Utilisé en complément d’autres approches, il peut guider le développement de stratégies ciblées : 

  • renforcer la confiance envers les vaccins et les institutions, 
  • soutenir la communication empathique et proactive, 
  • intégrer des dispositifs de soutien psychologique pour atténuer les blessures morales. 

L’hésitation vaccinale chez les professionnel(le)s de la santé est bien réelle et elle résulte d’une combinaison de facteurs individuels, relationnels et institutionnels. Pour améliorer leur rôle de recommandation, il est important de proposer des formations interactives, d’assurer un climat de confiance et de reconnaître les impacts des blessures morales vécues pendant la pandémie. L’utilisation d’outils comme le Pro-VC-Be contribue à mieux comprendre ces dynamiques et à orienter les interventions, mais doit s’inscrire dans une approche globale et sensible aux réalités du terrain. 

 

Références 

Gagneur, A., Roy, D., Pelletier, C., Trottier, M.E., Lemaire-Paquette, S., Rousseau, M., Dubé, È. & Verger, P. (2025). A cross-sectional study assessing Pro-VC-Be short-form questionnaire in Canada; measuring psychosocial determinants of vaccination behavior in Canadian healthcare professionals. Hum VaccinImmunother, 21(1), 2499345.   

Karlsson, L. C., Lewandowsky, S., Antfolk, J., Salo, P., Lindfelt, M., Oksanen, T., Kivimäki, M., & Soveri, A. (2019). The association between vaccination confidence, vaccination behavior, and willingness to recommend vaccines among Finnish healthcare workers. PloS one, 14(10), e0224330. 

Luo, C., Yang, Y., Liu, Y., Zheng, D., Shao, L., Jin, J., & He, Q. (2021). Intention to COVID-19 vaccination and associated factors among health care workers: A systematic review and meta-analysis of cross-sectional studies. American journal of infection control, 49(10), 1295–1304.   

Verger, P., Botelho-Nevers, E., Garrison, A., Gagnon, D., Gagneur, A., Gagneux-Brunon, A., & Dubé, E. (2022). Vaccine hesitancy in health-care providers in Western countries: a narrative review. Expert Rev of vaccines, 21(7), 909–927. 

White, P., Alberti, H., Rowlands, G., Tang, E., Gagnon, D., & Dubé, È. (2024). Vaccine hesitancy educational interventions for medical students: A systematic narrative review in western countries. Human vaccines & immunotherapeutics, 20(1), 2397875. 

 

Archives

L'émergence d'une nouvelle pandémie : un risque toujours présent 

La pandémie de la COVID-19 a contribué à plusieurs transformations sanitaires, sociales, et économiques. Elle a aussi montré la vulnérabilité des sociétés modernes face à la propagation de nouveaux agents pathogènes, accélérée par la mondialisation, les déplacements massifs et l’anthropocène.  

Bien que cette crise soit terminée, la menace d’une nouvelle pandémie demeure omniprésente alors que les cas de grippe A(H5N1) se multiplient. Une nouvelle pandémie représenterait un défi médical et scientifique, mais aussi social et politique. En effet, la réponse collective face aux interventions de santé publique, y compris l'adhésion aux mesures préventives, sont largement influencées par des facteurs socioculturels, historiques et politiques. Dans le contexte post-COVID, ces défis sont encore plus marqués, car les communautés font face à la fatigue pandémique et à une attention accrue aux inégalités et aux divergences d'opinions sur la gestion des risques. 

L'adhésion aux mesures de prévention dans le contexte post-COVID 

En gestion des risques, l'adhésion des communautés aux mesures de prévention est une condition essentielle à leur efficacité. La pandémie de la COVID-19 a mis en évidence la diversité des perceptions et des réactions face à des mesures sanitaires comme le confinement, le port du masque, ou encore la vaccination. Certains groupes de la population ont vu ces mesures comme une violation des libertés individuelles, alors que d'autres les ont adoptées comme une obligation morale de protéger les autres. 

D’ailleurs, une étude menée par SteelFisher et collaborateurs a mesuré le soutien de la population américaine à l’égard de futures mesures de gestion des pandémies. Bien qu’environ la moitié des répondants se soient montrés favorables à ces mesures, le soutien observé variait selon plusieurs facteurs, notamment les orientations politiques et idéologiques ainsi que les préoccupations quotidiennes. L’étude met également en évidence les dynamiques de groupe et la polarisation sociale qui émergent dans la gestion des crises sanitaires, particulièrement dans un contexte où les inégalités économiques et politiques risquent d’accentuer les tensions sociales. Les résultats soulignent l’importance de comprendre et de traiter ces divisions sociales et politiques, de manière nuancée, afin d’assurer l’adhésion de toutes les communautés. 

Les clés pour renforcer l'adhésion aux mesures de prévention 

Pour garantir l’adhésion des communautés aux mesures de prévention dans un futur postpandémique, plusieurs éléments doivent être considérés : 

  1. Communication interculturelle et contextuelle : La transparence et la clarté de l'information sont essentielles pour instaurer la confiance, mais cette communication doit être sensible aux contextes culturels locaux. En effet, chaque communauté a ses propres référentiels de confiance, et l'engagement des leaders communautaires et des figures locales est important pour dépasser les fractures culturelles et idéologiques. L’adaptation des messages selon les codes culturels et la prise en compte des spécificités de chaque groupe est nécessaire (pour des études abordant cette question, vous pouvez consulter le Supplément 1 portant sur les facteurs socioculturels et comportementaux qui affectent la réponse des communautés face aux mesures de santé publique, disponible dans la Revue canadienne de santé publique). 
  1. Prise en compte des inégalités sociales et géographiques : Les inégalités structurelles jouent également un rôle clé dans la manière dont les communautés réagissent aux politiques et aux mesures de prévention. Les groupes en quête d’équité sont souvent les plus vulnérables aux maladies, mais aussi les plus sceptiques vis-à-vis des mesures de prévention. Pour renforcer l'adhésion, ces dernières doivent être inclusives, accessibles et centrées sur les communautés les plus vulnérables. 
  1. Renforcement de la résilience collective : Il est essentiel de renforcer la résilience collective des communautés face aux crises sanitaires. Cela inclut notamment la préparation culturelle aux risques sanitaires, qui doit se faire par l’éducation à la santé et l'engagement des communautés dans la planification et la préparation aux pandémies. L'intégration de méthodes participatives et de représentations locales de la santé peut améliorer l'efficacité des mesures de prévention tout en réduisant la stigmatisation sociale. 

Conclusion 

L'adhésion des communautés aux mesures de prévention est un facteur important pour limiter les impacts d'une future crise sanitaire. Cependant, cette adhésion ne peut être résumée par ses aspects scientifique ou médical; elle doit également tenir compte des facteurs sociaux, politiques et culturels qui influencent la perception des risques sanitaires.  

Ainsi, il est important de bâtir une confiance collective renouvelée en tenant compte des contextes culturels et des inégalités sociales, tout en engageant les communautés de manière inclusive. Ce n’est qu’en intégrant une perspective anthropologique de la santé que nous pourrons non seulement prévenir une nouvelle pandémie, mais aussi renforcer la résilience collective face à de futures menaces sanitaires.